Un coucher de soleil dans les vignes

“On n’a pas besoin de lumière quand on est conduit par le ciel”
Don Juan, Molière

On a garé la voiture au fond de l’allée. Juste au moment où le soleil commençait à décliner. Juste au moment de la golden hour. On a sorti les valises, et on a ouvert la porte de la maison en pierres. ça sentait la vieille maison endormie. ça sentait le bois. ça sentait le calme. ça avait un air de bout du monde. On s’est regardés l’air un peu désemparés et on s’est dit que ça s’annonçait compliqué ces quelques jours coupés du monde. On allait devoir se parler. Pour de vrai.

On a tout posé et on est sortis regarder le coucher de soleil. Juste derrière la maison, au milieu des vignes. C’était beau et un peu triste à la fois. C’était rare aussi. Pourtant le soleil se lève et se couche chaque jour, mais bizarrement on ne prend jamais vraiment le temps de le regarder. De le regarder vraiment. De voir les couleurs changer jusqu’à l’obscurité, jusqu’à avoir des frissons parce que le vent se lève.

On a ouvert une bouteille de vin. Du haut-médoc. Et on a sorti le saucisson. C’était un peu hésitant, parce que finalement on n’avait pas l’habitude d’être si proches, et les mots ne sortaient pas vraiment comme il fallait. On a discuté. De ce qu’il allait se passer ensuite, après, après les études, après les examens, après. On a rêvé un peu en se disant que ce serait chouette un jour d’avoir à nouveau une maison de famille. Parce que celle de Dordogne elle nous manquait mine de rien. Chou a sorti la guitare et on lui a demandé de rejouer le morceau, mais si, celui qu’il jouait toujours, alors il a râlé parce que c’est toujours la même chanson, il faut toujours rejouer le même morceau, et ça lui est pénible. Mais il a quand même joué, en faisant un peu la moue.

Puis on a refait le monde, un peu à notre manière, avec des “et si” et des “si on avait su”, ça n’avançait pas à grand chose mais c’était plus fort que nous. Et on a parlé d’après, encore et encore. De ce qu’on ferait plus tard. Je ne savais pas ce que j’allais faire dans 2 mois, le champ des possibles était ouvert. Et ça nous faisait du bien de rêver un peu.

Jusqu’à aller se coucher. Jusqu’au prochain coucher de soleil. Pour à nouveau refaire le monde. Autour d’une bouteille de Médoc.