Année 2.0(17)

“Donne des forces aux inconnus,
penche-toi sur les détails, pars où il n’y a personne,
fous-toi du drame du destin, dédaigne le malheur,
apaise le conflit de ton rire.
Mets-toi dans tes couleurs, sois dans ton droit,
et que le bruit des feuilles devienne doux.”
Par les villages, Peter Handke

Hello 2017.

Je suis enfin prête à en découdre. J’ai quelques jours de retard, certes, mais parfois les choses prennent du temps. C’est comme ça. Un point c’est tout.

J’avais prévu un moment propice. Au calme, avec un peu de bruit mais pas trop. Avec du thé au citron et du chocolat très noir. Pour faire le point. Et savoir ce que j’allais faire de cette nouvelle année. Et puis j’ai fait l’autruche. Voilà c’est dit, je n’avais pas envie. L’honnêteté c’est parfois salvateur.

Et puis comme bien souvent la vie s’est faite joueuse. Finalement j’ai eu envie de me retourner une dernière fois pour contempler 2016, la main en visière, comme ça de loin. Comme pour être bien consciente de ce qu’il s’était joué en quelques mois.

J’ai changé 4 fois de maison, testé 466 nouvelles recettes dont 345 de pancakes (environ), bu des spritz à Londres et des ale à Florence où l’inverse. J’ai pris 4567 photos dont 3400 de pubs londoniens (à peu de choses près), décroché mon diplôme, coincée entre des parents trop émotifs. Je me suis posée 14563 questions dont savoir s’il fallait toujours dire la vérité. J’ai bu du prosecco dans les collines toscanes, trouvé un travail sur la plus belle avenue du monde, fait mes premiers pas de swing dans un loft du Paris populaire. J’ai quitté l’amour de ma vie, fait 97 insomnies, perdu 4kg puis repris 5, pleuré à m’en assécher les yeux, ri aux larmes. J’ai mangé le meilleur coconut bread de Londres, rencontré une curieuse personne, découvert le manque abyssal, fait une indigestion de fruits de mer, croqué des amandes vertes sur les hauteurs de Lumio. J’ai retrouvé des gens que j’aimais profondément, et j’en ai perdu d’autres que j’aimais tout autant. J’ai raté des pana cotta (dessert inratable par excellence), j’ai été sincère, souvent trop, j’ai vécu trop fort trop vite certains moments mais sans jamais rien regretter (ou presque). J’ai acheté un piano, trouvé que ma sœur me manquait, couru 23400km sur les quais de Seine, posé mes valises aux pieds de la Tour Eiffel, testé 6 brunchs, pris bien trop de cuites au mojito pour qu’elles soient décemment comptabilisées. J’ai découvert Game of Thrones avec ma maman (mais sur quelle planète vit-on ?!), pensé à lui beaucoup trop souvent, rédigé ma bucket list, ri beaucoup trop fort, écouté un festival sur la plage les pieds dans l’eau, redécouvert les petits bonheurs et les grandes peines. J’ai regardé mon grand-père partir en fumée et se retrouver dans une boîte ridiculement petite, maudit le monde qui tournait mal, bu du Monbazillac avec une Tasmanienne du bout du monde, rempli des fichiers excels jusqu’à pas d’heure, vécu le Brexit à Londres, bu du thé matcha sous un plaid, eu 23 spleen du dimanche soir, regardé le soleil se coucher au bout du monde sur les rochers corses. J’ai aussi beaucoup râlé, beaucoup trop rêvé, un peu regretté, ri à la folie, parfois mis du temps à m’avouer que j’avais tort.

A peu de choses près l’essentiel.

Une année pleine en somme. Avec des vagues énormes. Parfois si hautes que j’ai un peu bu la tasse.

Alors je t’avoue que 2017, si tu pouvais commencer un peu plus en douceur je t’en serai très reconnaissante. Il y aurait encore des pleurs, oui, des cris, des fous rires et des larmes de crocodiles, parce que sinon ça ne s’appelle pas la vie. Mais malgré tout, il y aurait aussi une forme d’apaisement, d’accoutumance à cette nouvelle vie qui est la mienne. Il y aura aussi mille et un projets, dont la moitié se perdra en cours de route, avant même d’avoir vu le jour. Mille souhaits, changeant, évoluant au fil du temps. Il y aura encore des battements de cœur qui s’accélèrent, des rencontres improbables, des recettes à l’improviste, des déceptions vertigineuses, des chagrins profonds et des soirées très arrosées.

Oui, 2017, je t’attends, les deux pieds bien ancrés dans le sol, ou du moins j’essaie. Pas très à l’aise, pas très sereine, mais paradoxalement très curieuse et très empressée de découvrir ce que tu me réserve.

Et je finirai pour une fois, pas par une recette (mais c’est juste pour cette fois promis), mais par un bateau. Parce que j’en ai envie. Parce que cette photo m’apaise. Parce que tu y verras peut-être uniquement un bateau quelconque. Mais que j’y vois des sourires, un chien tout fou dans l’eau, des yeux qui pétillent, des verres de vin qui s’entrechoquent devant le soleil italien qui disparaît à l’horizon.

Mais ne te leurre pas, toi aussi dans quelques mois ça t’arrivera, et plus vite que tu ne le crois. Tu finiras capturé, emprisonné, figé sur du papier glacé. Mais dans les têtes, les scènes se rejoueront encore et encore et on se dira “tu te souviens 2017 comme c’était chouette?”

Tendrement,

Ps: Cher toi qui est arrivé non sans peine au bout de ces lignes, sache que je te souhaite une merveilleuse année émotionnellement chargée, parce qu’au fond le reste on s’en fout un peu.